Il vaut mieux supporter quelques défauts dans un gouvernement doux et bienveillant que de risquer les plus grands maux de la tyrannie et de l’oppression.
Alors qu’Ésope voyageait à travers la Grèce, il arriva à Athènes juste après que Pisistrate eut aboli l’état populaire et usurpé le pouvoir souverain. Remarquant que les Athéniens supportaient le joug, bien que doux et léger, avec beaucoup d’impatience, il leur raconta la fable suivante :
La communauté des Grenouilles, un peuple mécontent et versatile, fatigué de la liberté et avide de changement, demanda à Jupiter de leur accorder un roi. Le bon dieu, afin d’accéder à cette demande avec le moins de mal possible pour les demandeurs, leur lança une souche. D’abord, les Grenouilles regardèrent leur nouveau monarque avec une grande révérence et se tinrent à une distance respectueuse. Mais, percevant son tempérament docile et pacifique, elles osèrent peu à peu s’approcher de lui avec plus de familiarité, jusqu’à ce qu’elles le méprisèrent totalement.
Dans cet état d’esprit, elles renouvelèrent leur demande à Jupiter et lui demandèrent de leur donner un autre roi. Le dieu du tonnerre, dans sa colère, leur envoya une cigogne qui, dès qu’elle prit possession de ses nouveaux domaines, commença à dévorer ses sujets un par un de la manière la plus capricieuse et tyrannique. Elles étaient alors bien plus mécontentes qu’auparavant ; en s’adressant à Jupiter une troisième fois, elles furent renvoyées avec la réponse que le mal dont elles se plaignaient, elles l’avaient imprudemment apporté sur elles-mêmes, et qu’elles n’avaient plus d’autre remède que de le supporter avec patience.
